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Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT

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Bartel Pan

Bartel Pan
Chasseur d'horizons - Ombre sauvage
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Surnoms honteux: Trop pour les citer ; on le dit volage, sauvage, presque fou peut-être. Amusez-vous avec ce matériel.
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MessageSujet: Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT   Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT EmptyMar 20 Mai - 11:47

Il croyait en toucher le souvenir, à la voir de nouveau.
C'était une nuit où les navires s'échouaient, épaves au fond des impasses où ils perdaient la vie. Bateaux aux voiles gonflées de vents alcoolisés, bourrasques acides et vinaigrées, rances dans le nez. Ils tanguaient sur les vagues de l'ivresse, oscillaient à la crête écumeuse des soirs où l'absinthe mêlait ses vrilles au sang. Là, tous les astres écoutaient, leurs branches acérées tendues vers les rues qui chuchotaient tout bas. Grognements d'ivrognes sur l'asphalte grésillant de brume et de lumière éclatée, les lampadaires vomissant une radiance au contact ignominieux qui décrépissait les chairs et creusait dans les yeux. Retournant la pupille pour révéler des affres insoupçonnées : juste ici, toutes proches, à fleur de peau. La douleur qui s'oublie au creux brûlant de l'ambre liquéfiée coulée entre les lèvres. Lumière artificielle, stérile et affamée, dévoyant tous les masques en repeignant les cernes, accentuant jusqu'à l'intolérable le rouge du blanc des yeux. Et la Lune soupirait qu'on lui ait pris son rôle en le faisant mauvais, mais elle ne pipait mot, laissant glisser les esquifs imbibées dans la nuit. Les observant qui louvoyaient sur le macadam laqué par le brouillard.
Chaque homme saoul était un navire aux voiles éteints, déchirés, cherchant récif où se briser. Le regard vaporeux, le visage en tourbillon entre ses courts cheveux poisseux d'humidité, Alice avait été de ceux-là... Un bateau dans le grand soir, frôlant les écueils et manquant de s'échouer sur un estran d'outre-monde, révélé par le sourire trompeur d'une ombre échappée de quelque ruelle sombre. Elle était toute prête à finir entre les bras d'un guide, renée dans l'oublie, éveillée le matin avec le poids d'une vie en moins, celui de la solitude venu le remplacer. Une proie étincelante qui vaguait dans les rues, pauvre biche égarée au beau milieu de la brèche aux loups... Entourée de couteaux qu'elle ne pouvait pas voir, invisiblement traquée par des chasseurs d'esprit qui n'attendaient qu'une occasion offerte pour se repaître de sa fragile Essence. Bateau sans voiles remuant sur le tumulte océanique de l'ivresse ; ou bateau de chair aux voiles noirs décousus sur ses épaules frêles et blanche. Bateau humain quoi qu'il en soit, bateau prêt au naufrage.
Bateau bienheureux pourtant : un sémaphore dans le brouillard, et les bras du rivage tendus au-delà du soir. Phare trompeur, mais salvateur... Alice avait trouvé dans la nuit un satyre, échappant à des monstres autrement plus vicieux. Navire échoué entre les racines d'une forêt décadente, elle s'était affalée sur lui en titubant sur les trottoirs engloutis par la brume. Il l'avait attrapé pour ne plus la lâcher : la jeune femme s'était mise à pleurer dans ses bras, et sans chercher à y comprendre rien, Bartel l'avait gardé contre lui quelques minutes, acceptant simplement d'être une source de chaleur à l'aune de ces sanglots ; puis ils s'étaient assis. L'écrivaine désabonnée des muses s'était alors tournée vers lui, dans le regard des ouragans d'alcool, des tourbillons de nuits acides mêlées de mauvaises bières, et dans un étrange babillage hasardeux, avait entrepris de lui conter son malheur avec la ferveur imbécile de qui a perdu le contrôle sous l'emprise de l'alcool. Puisqu'il n'avait pas rejeté le bateau à la mer dés qu'il s'était échoué, le faune avait consentis à rester avec elle, assis sur le trottoir, dos au mur d'une maison. Alors, sans comprendre vraiment, il s'était attaché à cette épave qui reniflait sur sa vie dépouillée, astre loqueteux dont tout avait pourtant prédis qu'il brillerait de mille feux. Rapide à s'attendrir, tout autant à s'offrir de manière superficielle, Bartel lui avait prêté et son bras et sa conscience pour la ramener à l'hôtel. Cette nuit là, il n'avait pas chercher à entrer dans sa chambre, laissant ses draps se froisser sous le poids d'un seul corps. Coucher avec une femme délabrée par l'alcool ne lui aurait pas plu, et il se contenta de lui offrir son corps en tant que bon pilier, sa présence comme interrupteur de catharsis vrillante, avant de s'évader à ses propres occupations nocturnes ; pour ce qu'il subsistait encore du soir, déjà réduit en lambeaux entre les griffes de l'aube.
Mais il était revenu, sans trop savoir pourquoi, peut-être touché par l'étrangeté de cette autre qui l'avait choisis pour surmonter la peine. C'était que si le navire échappé de la nuit s'était nommé Alice, lui n'avait rien perçu d'une poitrine inhérente à sa féminité. Ce torse osseux et ces traits anguleux n'évoquaient rien aux yeux du faune, qui puisse s'apparenter à l'adjectif qu'évoquait le prénom révélé. Il avait pourtant eu son corps pâle contre lui, sentit sa chair brûlante agitée de sanglots... Nulle rondeur salvatrice, pas la moindre présence d'une poitrine. Rien que ses côtes et la plaque lisse du reste de son corps, moulé dans des habits trempés par les brumes. Peut-être pour avoir été intrigué de telle sorte, avait-il alors choisis de revenir guetter la présence d'Alice. Et comme si le sort avait voulu qu'ils se trouvent, ils étaient bien retombés nez-à-nez. Confusion, sourires sauvages et cordialité aux relents douceâtres de gêne instillée. De fil en anguille, sans qu'il ne se souvienne du cheminement des jours, ils s'étaient rapprochés, et à la fin d'un mois, déjà l'autre lui montrait ses essais, quêtant un œil critique, tandis que lui se déversait en contes faramineux pour arracher des étoiles à ses yeux. Qu'enfin son regard quitte les ténèbres des abysses, qu'elle daigne remonter des profondeurs où jappait son passé. D'abord curieux de voir ses réactions, puis prenant plaisir à gronder ses histoires sur le ton des colporteurs, chuchotant et hurlant aux tables des cafés ou devant une auberge. Ils échangeaient des mots, des voix, des fragments de passé, et doucement la petite brune se ranimait d'un rien, singulier animal à l'air continuellement blessé. Prise dans la cruauté de la vie plus sûrement que dans un piège à loup ; attentif, il apportait pitance à cette pâle affamée. De chasseur à soigneur, le satyre faisait patte de velours en bridant des instincts moins altruistes. Leurs histoires suffisaient, qu'à cela ne tienne : il n'irait pas chercher à s'immiscer dans les draps de cette femme.
Ce soir là, sur la place, il la croisait à nouveau. Alice savait qu'il n'y avait jamais de rendez-vous à prendre : il venait comme la pluie ou le vent, à sa guise et au grès de facteurs plutôt obscurs. Allant et repartant, sans convenir d'un retour. Le temps passait sans qu'il ne daigne revenir s'asseoir auprès d'elle, vaguant entre les mondes et y trouvant plaisir. Puis, un beau jour, la ville résonnait à nouveau de l'écho de de ses courses. Alors, ils se trouvaient parfois, presque au hasard, devant un café, dans un bar, ou face son auberge. L'un tombant sur l'autre, selon le bon-vouloir de la providence ; ou l'abnégation du chasseur d'horizon.
S'approchant, il lui offrit un sourire dévoyé de barbe en friche.
Venu à l'apprécier, Bartel regrettait de s'être accoutumé à son air miséreux. Dégaine de vagabond, la route en bandoulière et la poussière aux crocs. Un clochard peu usé à l'aune ses errances, qui de loin faisait peur, et de près intriguait. L’œil trop vif et le sourire moqueur, complaît dans l'impudence et prompt à disparaître. Une intrigue inutile que personne ne se donnait la peine de démêler ; il n'était qu'un mendiant plus culotté que les autres, après tout.
Impossible de quitter ce costume à Hellishdale. Alors, Bartel venait vers la jeune femme chaque fois aussi loqueteux, engoncé dans ses vieilles frusques et la barbe défaite, chaotique, repeinte aux tons de la poussière des routes. Parfois, Alice lui proposait un tour dans sa salle-de-bain, qu'il acceptait de bonne grâce, avec une franche gratitude, quoique le savon le laissa septique maintenant qu'il se lavait dans des ruisseaux, des lacs ou des sources. Elle ne l'avait pas encore trop interrogé sur sa situation, mais pour calmer un temps sa faim, l’Égaré avait laissé sous-entendre qu'il trempait auparavant dans certains trafiques inhérents à la ville... Commerce d'absinthe sous le manteau. Le mensonge lui plaisait, et il y goûtait avec un certaine malice : si tricoter du bout des lèvres des aveux n'était pas envisageable, autant profiter de l'occasion pour se draper dans un conte au moins drôle à tisser.
Ce soir là, il vint à elle sans savoir quelles demies-vérités il daignerait confier. Le bateau était au port, des feuilles imprimées étalées sur sa table, un café fumant confondant ses volutes avec un début de brume. Sous l'auspice de ses yeux, les mots tremblaient, Bartel pouvait le voir à ses sourcils froncés. Un air dur de corbeau, des traits figés par le mécontentement. Alice n'aimait pas ce qu'elle avait écris, maudissant silencieusement les muses de la sentence incarnée que formait le plis de ses lèvres.
Il s'assit face à elle, faisant trembler la table.


-Et bien, voyez-vous ça ! Ce visage défait par le mécontentement, cet air dur à vous en limer le cœur... Toujours insatisfaite quant à tes manuscrits ?
Il lui sourit, sans lui souhaiter bonsoir. Ses yeux-sémaphore le murmuraient déjà.
<< Voici le phare retrouvant son navire... >>
Jeu lexical des faunes.


Dernière édition par Bartel Pan le Dim 14 Déc - 15:09, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT   Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT EmptyMar 20 Mai - 21:50

C'était comme une bouteille jetée à la mer, un dernier espoir avant de sombrer définitivement dans les eaux profondes et de n'y jamais remonté. Les eaux la malmenaient, la ballottant de droite à gauche, lui laissant un goût brûlant d'alcool remplir ses poumons. Enivrée par toutes ces odeurs, ce mélange amer et brulant, elle attendait qu'on lui réponde. Son regard perdu dans les abysses elle arpentait les courants inconnus d'Hellidash. Bouteille à la main elle titubait, menaçant à chaque instant de s'effondrer. Cela faisait un mois qu'elle voguait dans cet état maintenant, on l'avait envoyé au loin, espérant que l'ombre de la mort s'en aille, qu'elle puisse enfin redevenir la douce Alice du passé.
Morne et sans vie, leur route se croisèrent et re-croisèrent. Sans doute était-il la réponse à sa bouteille, s'accrochant à ce vagabond, elle flotta pour quelques instants au-dessus de l'eau, émergeant à chacune de ses apparitions. Il n'y avait pas de rendez-vous, pas de contact, juste un hasard. Il semblait toujours savoir où la trouvait. Compteur, elle buvait ses paroles, cherchant une idée, une inspiration, une muse, mais jamais rien ne venait. Elle le laissait lire, mais en avait honte. Alice, oh douce Alice, les flots tempétueux s'étaient doucement calmés, te laissant alors une seconde de répit, t'invitant à l'inspiration. Pourtant, elle s'y fermait, involontairement. Cette ombre pesante était toujours là, empêchant la lumière de la moindre muse l'atteindre.

Dès les premières lueurs de l'aube elle s'y était attelée. Elle n'avait de toute façon, pas dormi de la nuit. Soupirant elle tapa, retapa, déchira, froissa, accumula un tas de feuille noircir par l'encre à ses pieds. Il n'y avait rien, rien de bien, tout allait de travers. Le soleil décrivit sa trajectoire, se laissant doucement endormir pour laisser les premiers rayons de la lune refroidir les rues de la ville.
Son ventre grogna, manifestant quelque douleur, elle se décolla de sa chaise et enfila un pantalon. Elle n'avait rien avalé de la journée, il était temps de sortir et de grignoter. Les lumières du petit restaurant étaient encore allumées. Enfilant un pantalon, elle attrapa ses affaires et traversa la rue qui les séparaient.
Ils commençaient à la connaître maintenant, elle s'installa dans un recoin libre, posant feuille et stylo sur la table. Elle relue un essai, peu convaincu, mordilla ses lèvres et repassa dessus. On lui apporta une salade et un café. Rayant, écrivant, froissant, écrivant à nouveau elle chercha les mots, les tournures de phrases, puis elle abandonna devant sa feuille. Ce ne sera pas pour aujourd'hui. C'était déjà sa deuxième tasses.
Le goût amer et brûlant lui arrachèrent une plainte étouffée. Alice avait le café en horreur, elle préférait de loin, comme toutes dames le thé. Seulement elle n'était plus elle-même. Cherchant à s'enfuir et sans nul doute à le retrouver. Il lui avait promis de rester à ses côtés jusqu'à ce qu'elle trouve quelqu'un, il ne pouvait donc pas l'avoir abandonné, pas si vite.
Terminant sa tasse elle reprit une relecture des documents. Grimaçant encore et encore, inlassablement. La porte s'ouvrit, faisant sonné la clochette. Un autre client, elle n'y prêta guère attention, jusqu'à ce que sa table se mette à légèrement trembler. Elle leva alors les yeux et son visage durcir par le mécontentement s'adoucit légèrement. À sa question, elle répondit par un simple hochement de tête et lui tendit ce qu'elle relisait peu de temps avant. Au même instant elle fit signe à une serveuse.

_Une assiette de charcuterie et un verre de vin ?

Il n'y avait nul besoin de salutation, ni de formalité. La question était là plus par principe qu'autre chose. La serveuse était déjà repartie préparer la commande. Cette nuit, peut-être s'endormirait-elle plus paisiblement que les autres nuits. Son absence l'affectait. Quoi qu'elle puisse dire, elle s'était habituée à ses venus et sa compagnie. C'était sa bouée de sauvetage, celui qui la ramenait à la surface le temps de quelques heures. Si Bartel n'était guère là, elle ne saurait dire si elle aurait réussi à ne pas céder à l'ombre noire et à l'abandon.
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Bartel Pan

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MessageSujet: Re: Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT   Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT EmptyLun 2 Juin - 18:33

Il eut un sourire pour cette main tendue où reposait un cœur. Cristallisé et dormant dans les cercles immobiles des bacchanales froissées dans la noirceur de l'encre, pulsation effréné dans le silence de la page blanche tatouée par l'esprit inspiré- des paragraphes-artères déversant des musiques pleine d'images engluées au bout des doigts tombants. Un pile de feuilles. Un cœur.
D'encre, de papier et de mots, le cœur d'un oiseau en dérive sur les vents de son deuil, ailes déchirées mais tenace à se garder en vol. Peut-être n'était-ce qu'un conte de plus, une histoire comme une autre, qui sous le couvert d'agiter sa douleur, mettait en scène des personnages presque fictifs ; peut-être une de ces vérités occultes qu'il lui rapportait, mine de rien, sans trop les départir de leur attrait illusoirement fantastique. Les coupes-gorges qu'il habitait des monstres, les rues qui crissaient sous les griffes des chatons chaotiques, et les adolescents perdus qui s'oubliaient dans la fumée, entre les bras d'un papillon de nuit qui avait faim de leur lumière occulte... Les mains tendues dans le soir, comme des fleurs tentatrices, des bouches empoisonnées qui s'ouvraient, un baisé vaut une âme, une poignée de main est un suicide. Pertes, envie, cruauté toujours. Voilà les histoires qu'il contait à Alice. Noires, purulentes et denses, ou bien claquantes à raz dans leur cinglante brièveté, plus légères à entendre d'un relent d'éthanol ; plus lourdes de réalité qu'à première-vue portée. Mais Alice pouvait bien tourner sa longue-vue vers les brumes, elle ne verrait rien avant de poser elle-même un pied dans le jardin des ombres, de prendre un partenaire pour la danse de l'oublie, nouveau compagnon désincarné dans un froissement de ténèbres, quand le monde se plissait tel une bouche ridée, déglutissant leurs membres froids sous un ciel étranger.
Il la tiendrait loin des ruelles, la nuit flambée une fois tombée, brûlante, comme un tapis glouton de cendres sur la ville peinturlurée d'une apparente sobriété.  Au-delà de la fange mêlée de suie où barbotaient les créatures qui peuplaient la nuit embrouillée d'Hellishdale, sur le bord de la route cristalline où crissaient les cauchemars, amarré au port, échoué sur le rivage- il serait sa crique à flanc de falaise, lors des soirs labourés par les colères du vent.
Deviendrait son manteau, ses bras son caniveau. La garder tout près et lui parler du monde secret, lui murmurer les Guides, le Lapin, sans jamais laisser entendre qu'il fallait chercher à en découvrir plus. La nourrir mot par mot, composer en patchwork sa culture urbaine, l'air de rien mais l'air conspirateur, l'air malicieux mais grave- vagabond de paroles en virées autant que des routes où s'enchaînaient ses pas.
Mais pour l'heure, il avait entre ses mains son cœur. Noir sur blanc, tourbillons foliaires de mots sinueux, lignes par lignes, autant de pampres monochromes et juteuses esquichées dans le grouillement du vide intermittent sifflant à chaque saut du regard vers le bas de la feuille. Papier tiède au grain doux, agréable au toucher.  Poussière vive au cœur et ses balancements lents ; inscrit dans la nuit de fusain, acérée, le sourire qui dévore, croissant fertile au milieu de la barbe-terreau, bouillonnante, emmêlée, boucles effrénées entremêlées comme des ronces, comme du bois sec, comme un buisson de mûres. Un sourire pour le cœur froissé qui gît dans cette main tendue, la cargaison du bateau qui s'est échoué sur les récifs d'Hellishdale, le trésor caché et secret du rafiot qui l'a choisis pour phare. Un silence qui danse.
Sans un mot, il prend les feuilles.
Et il commence à lire, avec comme toujours cet air de concentration proprement terrifiant : impassible, inquisiteur presque. Pourtant, Alice le sait maintenant, il n'est pas de ces juges sardoniques, et bien vite, les mots renvoient sur son visage des reflets, comme de petits bouts de miroirs agités par la brise. Éclaboussé, son visage se mouve légèrement au gré des sauts à la ligne, accrochant la courbe d'un demi-sourire, dégringolant en pente raide sur les angles  de la tristesse, s'entrouvrant comme une fleur sur l'histoire qu'on lui conte ; paysage reflété sur ses traits, qu'il incarne à sa lecture. Alice devrait pouvoir relire tout ce qu'elle a écrit en regardant Bartel. Visage miroir et parchemin. Tous les reflets s'y glissent, redessinant ses paupières, tirant sur ses lèvres. Et ses mains frottent les feuilles, son pouce râpe contre le dos du paquet.
La serveuse revient, pose la commande, et il ne lève qu'un seul œil avant de reprendre sa lecture. Une feuille, puis deux. Et trois. On en arrive bientôt au derniers battements de cœur ; quand il en a finit, les feuilles ne sont plus tièdes et la clochette de la porte a tintée par trois fois.
Il pose le paquet sur la table, ses yeux sur Alice, et les mains sur le verre de vin.


-Tu as fait bon usage de l'histoire que je t'ai rapporté ; tu a fais bon usage de ta douleur aussi. Plume fluide, brutale et perspicace...
Et un soupir aux lèvres. Le vin roule dans le verre, tourbillonnant sur le rythme imprimé par sa main.
Mais il manque une fin, n'est-ce pas ? Ces derniers mots qui ne viennent pas.
<< Aurais-tu peur d'écrire une Fin, Alice ? >> La phrase ne vibre pas en gorge, et il s'interdit bien de la laisser soupçonner. La jeune femme n'a aucun besoin de l'entendre dire ces mots. Il ne s'agit pas tant de ménager sa sensibilité que d'éviter un mal absurde : elle n'a pas d'intérêt à ce qu'il lui révèle cette vérité probablement refoulée. Si de franchise, toujours, il faisait preuve, Bartel savait aussi quand se taire... Peut-être un jour Alice serait-elle prête à l'entendre proférer sa peur de l'achèvement. De la fixité morbide d'une oeuvre parachevée, du silence sépulcrale qui suit la dernière chute de doigt sur la touche usée d'une machine à écrire. Peut-être. Mais pas ce soir là.
Le Faune hausse deux épaules comme on fait face au vent- désinvolte et le souffle rentré.
Ce n'est pas important. Ce texte est bon- non, ne prends pas cet air désenchanté ! Il est bon selon moi. Pour ce que vaut mon avis au moins ; accorde lui l'importance que tu veux.
Un défis ? Probablement. L'air de dire : tu as connu ce qui a fait ta vie. Désormais, penche toi vers ce qui la fera. Satyre trop raisonnable au regard conciliant, tumultueux et serein du bout des lèvres à la cime des prunelles. Peut-être a t'il finalement autre chose à donner que quelques contes sordides ; d'autres vérités à délivrer à cette ombre morose, navire échoué n'osant pas projeter une nouvelle fois sa quille dans le vaste océan. Quelque chose à apprendre, d'un peu comme... La vie.
Ou bien un mystère nageant dans ces eaux-là.

Merci pour le repas, aimable amphytrion... Mais je dois te nourrir en retour, n'est-ce pas ?
Haussement de sourcil et l'air matois d'un chat.
Aide moi donc à choisir quelle genre d'histoire je pourrais te conter...
Des mots qui sonnent comme une autre sentence : aide moi à composer aux nuances de mes nuits tes lendemains face à la feuille neigeuse... Et traçons-y nos pas, comme les lettres en dérive d'un conte écartelé.
<< Ce soir au moins, je suis là.>> Il est là, oui, clochard fantoche ne trompant personne.... Mais pour combien de temps encore... ? Les vents lui collent au corps, le traînant vers les routes.
Regarde Alice, regarde l'horloge : l'heure tourne, et au-delà des apparences, ce n'est pas sur elle même.


Dernière édition par Bartel Pan le Mar 15 Juil - 21:04, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT   Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT EmptyJeu 19 Juin - 10:48

À ses yeux il était comme une brise d'été : il s'infiltre chez vous, vous rafraîchit pour quelques secondes avant de repartir aussi vite qu'il est apparu. Parfois, elle aimerait pouvoir l'attacher, le faire rester plus que quelques heures, mais elle sait que c'est impossible. Elle doit alors se contenter de ses passages éclaires, le supplier dans un regard de ne pas partir, de ne pas l'abandonner à son tour. Demande muette qu'elle sait avoir été entendue, mais qui ne sera jamais exaucée. Était-ce pour cette raison qu'il finissait toujours par revenir ? Où avait-il une autre raison, un autre attachement ? Devez-t-elle voir en lui un frère perdu ? Parfois elle voudrait qu'il le remplace, qu'il prenne à son tour sa place, mais elle n'avait le droit de lui demander ce sacrifice. Alors, elle ne disait rien, gardant ses sentiments pour elle, se contentant de lui montrer ses manuscrits et de s'accrocher à ses comptes urbains. Peut-être y trouverait-elle une réponse à une fin absente.
Muette, elle le laisse lire, détournant son regard de son visage. Elle n'aimait pas voir cette danse, cette histoire se refléter sur son visage. Alice préférait attendre le verdict, plongeant son attention sur la rue visible depuis la fenêtre. Elle n'avait presque pas touché à sa salade. L'appétit était partie à son arrivée. Impatiente, mais en même temps souhaitant rester dans l'ignorance du verdict. Elle ne voulait pas l'entendre dire ces mots si évident : il manque la fin. Cruels, comme une évidence à son incapacité, à sa perte. Elle savait au fond elle qu'elle n'y arriverait pas tant qu'elle ne ferait pas son deuil. Mais elle s'y refusait. Elle ne voulait pas voir l'évidence, mettant cela sur le conte de l'inspiration, de mauvais choix.
Il avait fini et il les avait prononcés. Elle ne détourna pourtant pas son regard de la rue, lui trouvant quelques choses de captivant. Tout cela était un prétexte, elle voulait lui cacher son froissement, son cœur souffrait, son texte était bon, mais il manquait une fin. Où pouvait-elle donc être partie ? "Non ne prend pas cet air désenchanté" avait-il dit. Elle tourna alors enfin son visage vers lui, esquissant un maigre sourire, presque forcé. Il y avait comme un défi dans cette phrase, comme s'il cherchait à la pousser quelque part, à lui faire comprendre quelque chose. Avait-il conscience de l'importance qu'il avait pour elle ? Se rendait-il compte que son avis était la seule chose qui lui importait ? S'il lui disait qu'il était bon, alors elle devait le croire, même si son cœur la faisait souffrir.
Elle rit, qu'elle drôle de nom. Elle n'a fait que lui commander un simple plat et le voilà qui l'affuble d'un nom si distingué. Elle n'a rien cuisiné, n'a aucun mérite dans ce repas, d'autant plus que le geste n'est pas désintéressé. Alice n'a pas besoin de répondre à sa question, il en connait évidemment la réponse. Seulement, elle ne lui offre pas ce repas uniquement pour ses comptes. Non elle souhaite le voir rester, lui donner une raison de ne pas s'envoler tout de suite vers d'autres flots. À chaque fois elle ne sait combien de temps il lui accordera, alors si elle pouvait user de stratège pour le voir quelques minutes de plus, elle y mettrait tous les efforts du monde pour y arriver.

_Aide moi à trouver une fin, un chemin qui pourra m'y emmener. Dis-moi ce qui se passe dans l'ombre, ce qui se cache sous ces pierres et derrières ces murs. Je sais que j'y suis presque... Comme à chaque fois...

Elle soupire. Comme à chaque fois oui. Tout ses essais la mènent là, vers cette fin qu'elle n'arrive pas à attraper.

_ Elle est là, quelque part, il faut juste que je mette la main dessus... Bartel.

C'était une demande, un appel au secours. Elle savait qu'elle pouvait lui faire confiance, qu'il ne l'abandonnerait pas. Il pouvait disparaître dans une heure, elle savait qu'il reviendrait vers elle le moment venu. Jamais il ne l'avait encore abandonné depuis leur rencontre et si l'angoisse de le voir lui aussi partir était présente certain soir, elle savait qu'elle devait croire en lui, lui faire confiance. Oui, elle avait une confiance aveugle dans cet homme à l'allure si dépravé. Pourtant elle était sûre qu'il n'était pas ce qu'il montrait : son langage le trahissait, mais elle ne demandait rien. Chacun ses secrets, chacun sa vie. Du moment qu'il ne la laissait pas seule face au vent violent de la tempête, des vagues qui malmèneraient son navire, elle ne lui poserait aucune question et attendrait patiemment chacune de ses venues.
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Bartel Pan

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MessageSujet: Re: Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT   Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT EmptyMer 23 Juil - 17:48

Les yeux tournés vers l'horizon, tant pis si l'horizon est gris. Brouillard dans la nuit, l'asphalte n'est pas encore épousseté par l'aurore : il brille, visqueux, luisant et acéré, comme une jetée rocailleuse mouillée par les embruns. Alice trouve t'elle un quelconque réconfort dans ce paysage nocturne, y voit-elle quelque chose qui ne soit pas dégoûtant ? Bartel regarde les rues et n'y voit qu'un conduit digestif, ou bien une gorge, quelque intime parcelle d'un monstre gigantesque quêtant une âme à dévorer. A  moins que ce ne soit qu'un long terrier. Un terrier de Lapin.
Il y voit le jardin des ombres, la cour des miracles- puis des déceptions. Il sait qu'Hellishdale a quelque chose d'attirant, d'attractif dans son aura mystérieuse, avec son énigmatique façade victorienne, ses rues propres et pourtant salies de brouillard, humectées d'orage, parfumées de souffre. Bartel a vu le vraie visage de la ville, et Alice sait aussi, quoique la vérité ait prit pour elle l'apparence de contes sombres. Mais il n'y a pas de fumée sans feu, n'est-ce pas ? Elle finira par comprendre, par prêter une oreille attentive à tous les racontars. Alors, elle songera à toutes ses mises en garde, et peut-être choisira t'elle de s'approcher tout en restant assez loin, de jouer un double jeu, de s'enfoncer dans le marécage en sondant la tourbe trompeuse... Ou bien de partir, tout simplement, de s'enfuir pour sauver sa vie d'errance et de désillusion. Mais quel auteur tournerait le dos à une ville telle que celle-ci ? Quel auteur approcherait l'insondable mystère sans y tremper les doigts ? Jeté dans la marre goudronneuse, dans les nuits d'encre où tremper une plume enfiévrée. Oui, Alice s'approchera sûrement, peut-être sera t'elle prudente... Ou bien comme tant d'autres, elle ira tête baissée, certaine de s'en sortir. Personne ne pourrait le dire, mais Bartel fait de son mieux pour aiguiser sa vigilance, mettant en garde l'air de rien, laissant voir une vérité honteuse pour mieux la nier ensuite- mais jamais totalement. Un bon conteur ne fait jamais table rase, n'est-ce pas ? Toujours instiller le doute. Le doute fait vivre ici. Le doute la fera frémir, mais il la protégera peut-être. Mieux vaut ses histoires scabreuses que les rumeurs qui dansent, invitent à sortir, à se mettre en danger ; lui sait présenter les choses tentantes sous un jour plus dangereux, moins attractif quoique intriguant. Il s'y emploie jour après jour, débraillé mais la voix claire, profonde et rassurante. Jouer de ses atouts, créer le contraste, surprendre et faire languir, créer une attente pour mieux se défiler, tourner autour du pot, s'approcher, s'éloigner ; en venir au vif du sujet, et frapper d'une voix puissante, conclure sur un murmure, les lèvres encanaillées de demies-vérités... Après tout, le conteur séduit son auditoire. Et à ce genre de jeux, Bartel est plus que familier.
Pourtant, le satyre cherche à comprendre pour quelle obscure raison l'auteur détourne le regard, le verdict une fois prononcé. Son Empathie ses tend, ses yeux suivent ceux de la jeune femme, se laissent guider vers la rue frappée d'ombres et bouillonnante de brume, blessée par la nuit et suintante d'une lumière jaune, purulente, cruelle aux yeux comme à l'asphalte salie de son contact. Alors, il se demande ce qu'Alice peut bien voir, ce que ses mots ont changé dans la nuit pour la jeune femme. Une de ses mains reste posée sur le paquet, ce cœur blessé étiré noir sur blanc. Il ne veut pas que les regard des Ombres se pose sur celui-ci. Elles en ont déjà eu bien assez.
Quand Alice accepte à nouveau de faire face à son air intrigué, l'attention qu'elle lui porte le submerge. Il en aurait presque le souffle coupé. Sa dépendance a le goût d'eau de rose, l'amertume des jours de pluie, la violence du piment. Il goûte à son dévouement fébrile comme à un plat étrange, jamais dérouté pourtant, mais forcé d'avaler tout ce que lui disent les invisibles vapeurs échappées de son corps. L'Empathie le force à comprendre ce qu'il pourrait voir même sans son franc concours ; l'empêche de nier. On peut toujours affirmer ne pas avoir compris ce que quelqu'un voulait dire, quand bien même tout était clairement signifier. On peut plaider la cécité, la fuite inconsciente. Bartel ne peut pas. La vérité le fustige de ses fouets ardents, l'accapare et le traîne nu devant ses propres fautes.
Oui, il sait combien Alice a besoin de lui. Pour cause, il s'est rendu indispensable, l'a approché et séduite, comme toujours, a investis sa vie jusqu'à devenir une ombre nécessaire, la respiration qui permet de tenir encore un peu plus longtemps en apnée. Par ses mots, par sa franchise et d'évidentes tromperies, l’Égaré a su capter son attention, ravir ses pensées. Fautif. Tant pis. Peut-être que même libéré de l'Empathie tenace, il aurait daigné voir les grands yeux noirs d'Alice, marres d'eau stagnante attendant l'agitation d'un Faune. Peut-être n'aurait-il pu faire semblant, comme tant d'autres.
Peut-être...
Le poids de la responsabilité pèse trop fort sur lui quand ce regard fuse, obscure, comme du goudron fumant, embrasé ; de questions. "Sais-tu ? Sais-tu que j'ai besoin de toi ?" Ses propre yeux bourbeux répondent dans une germination de culpabilité. Satyre aux yeux trop fertiles, au visage trop mouvant. Il aimerait pouvoir se défiler. Honteux mais farouche à préserver son vent de liberté. Il ne pourra pas rester. Il ne veut pas, ne s'en sent pas capable. Ni pour elle, ni pour personne d'autre. Il sait qu'Alice retiendra sa respiration jusqu'au prochain soir incertain où il viendra la voir, posera son corps enrobé de frusques sur une chaise, et articulera ses lèvres autour de nouveaux contes. Naufragée de la vie, en apnée dans l'océan huileux. Au loin, le phare tournoie bien au-dessus des vagues, et parfois une main se tend pour la tirer de l'eau ; chaude et ferme, mais c'est une main glissante, gantée de pluie. Une main salutaire à laquelle on ne peut s'accrocher qu'un instant.
Pourtant, il réussit à la faire rire, et l'inquiétude s'envole comme un sombre nuage, chassée par ce vent primesautier bien trop rare. Alors il suit le changement de cap et se met à sourire, fier en quelque sorte de lui avoir arraché ne serait-ce que ce bref éclat, l'impression d'attiser une braise pour remettre le feu dans l'âtre tiède.
Cependant, l'idée qu'Alice vit dans l'éternelle attente de sa venue, toujours suspendue entre deux brèves visites, revient trop vite assombrir son humeur. Sa mine vire au carnage, mauvaise peinture gribouillée les doigts gourds, claquée d'un soudaine tristesse. Il écoute la supplication presque muette de l'auteur, l'appel derrière les mots, le feu d'alarme qui hurle à l'abris de cette façade limpide. Le vagabond frémit quand elle prononce son nom. Peut-il vraiment la sauver ?
Jamais satyre n'aurait douté, dans un orgueil sans nom. Il en prend bon exemple et se fait intrépide. Souffle entre ses mains, comme pour les réchauffer, puis les repose sur ses genoux.


-Une fin alors... Une conclusion. Un point à la ligne. Les derniers mots. L'ultime note de musique sur la partition de la création littéraire. Est-ce vraiment mon rôle ? Je devrais trouver une fin, moi ? Allons.
Ils savent tous deux que ce n'est qu'un jeu, une mise à l'épreuve de sa patience. Il tourne, tourne, tourne... Aboutit finalement, avec sur le visage son air maintenant familier de conteur.
Peut-être que je peux t'aider pour cette fois, bon. Admettons le. Je consens à te souffler quelques mots encore.
Un soupir.
<< Pourquoi y a t'il tant d'ombres ici ? Pourquoi tant de brumes, de boyaux humides qui s'étranglent dans des ruelles sans nom ? La ville sinue, s'affole au crépuscule. Personne n'en voit rien et tout le monde le sait. On en parle, n'est-ce pas ? Les rumeurs qui traînent comme de mauvaises vapeurs, les éclairs nauséabonds de lucidité publique... Oui, ces corps écharpés dans les bas-fonds de la ville, ces établissements cachés où vont danser les monstres. Tu veux savoir ce qui se cache derrière les vieilles pierres d'Hellishdale ? Ce n'est pas la bonne question. Demande toi ce qu'est Hellishdale. Si tu choisis cette ville comme scène où projeter tes personnages, alors tu dois lui trouver une identité. Je t'ai raconté suffisamment de choses pour t'aider à cerner l'indicible horreur qui rôde de bouche en bouche entre les cercles adolescents, j'ai colporté assez de rumeurs, créer assez de contes... Moi, dans les ombres, je ne vois qu'une ouverture. Non pas le néant ni la mort, encore moins le sommeil. Ce qui se cache dans les ombres que tu me demandes de déchirer, c'est une bouche dégoûtante et avide qui veut te recracher à mille lieux des rues noires.
Hellishdale n'est pas une ville, c'est un aquarium, et un chat peu scrupuleux y plonge parfois la patte. Nous en sommes les poissons. D'anciens marins aux barques brisées sur les écueils. Nous avons perdus nos bateaux, et la magie des lieux nous a transformée en petites bêtes à nageoires à la merci des monstres.

Il ménage un petit silence. Ses lèvres se scellent et ses doigts tambourinent, prenant le relais. Musique, toujours. Bartel ne parle pas : il chante. Voix modulée, dérives d'un bout à l'autre des décibels tangibles, silences comme des notes propres d'une mélodie qu'il a fait sienne. Il ne se veut pas oiseau chanteur, c'est sa nature entière qui lui fait mettre des accents dans tout ce qu'il raconte. Et si sa voix y participe, alors le reste de son corps ne pourra pas y échapper non plus. Ses doigts reprennent là où s'arrêtent les mots.
Quelques secondes, ils imitent le bruit de la pluie qui commence à tomber, contant l'orage, les nuits de brouillard et de bruine acérée- puis une main cesse de danser sur le rythme secret, s'envole glisser dans sa barbe défaite. L'autre poursuit quelques instants, avant de retomber inerte sur la table.
Il sourit, puis reprend d'une voix douce, mais trop grave pour être rassurante.

Un abysse en perpétuelle ébullition au rythme des déchirements sanglants du fond océanique. Les volcans qui brûlent, en vain, fournaises dans les ténèbres. Parfois, ils illuminent brièvement le socle d'un monument aux disparus, ces gens que le monde oublie, mais qui reviennent pourtant. Acharnés. Égarés mais connaissant le chemin du retour- seulement, il ne conduit plus chez eux.
<< Voilà Alice, voilà ta conclusion, voilà ta vérité cachée. Toujours ici on troque une aurore contre une autre. Une vie donnée, une vie offerte. Qu'en penses-tu ? Est-ce que cette fin que tu guettes ne pourrait pas apparaître suite à jeu vicieux ? Il faut parier Alice, voilà tout, miser sur un avenir meilleur. Laisser une chose derrière pour en découvrir une autre. Peut-être que le jeu en vaudra la chandelle. Il faut apprendre à risquer son passé.

<< Il faut apprendre à faire son deuil. C'est du pareil au même, n'est-ce pas ? Mais je ne peux pas te le dire aussi franchement. >>
Pan se fend d'un nouveau sourire.

Pour trouver cette fameuse fin, Alice, il ne faut pas chercher là où je dirige ton regard. Vers les ombres, vers les ruelles suintantes... Oui, je te divertis, peut-être même que je te mets en garde ; bien que personne n'en croit rien, hein ? Moi le premier, va.
Mais voilà Alice, cette fin, tu ne la dénicheras pas au milieu des ténèbres que je t'invite à sonder. Je t'éloigne pour te donner de la perspective- et je me fais plaisir en devenant conteur, bon, je te l'avoue volontiers.

Peut-être a t'elle déjà compris où il veut en venir. Il conclut cependant :
Tu cherches à déceler cette fin qui t'échappes Alice, mais tu ne pourras pas l'attraper avant d'avoir déjà mis la main sur toi même.
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MessageSujet: Re: Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT   Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT EmptyVen 1 Aoû - 16:00

C'était comme si le temps s'était figé. Le vent avait arrêté sa course, stoppant avec lui de lourdes vagues. L'image avait été mise sur pause, plus rien ne tournait. Il n'y avait plus qu'eux : ces deux coeurs battant en rythme, silencieux au fond de leur cage. Le sien était probablement faible, noircis par la peur et l'échec, mais il était là, battant fébrilement, répondant à la venue de son compagnon. C'était presque comme un aimant. Il attirait délicatement son coeur vers le sien, lui impulsant un rythme, l'invitant à danser avec lui dans leur propre cage. Chaque visite était un souffle de vie, mais en même temps un arrêt. Quand elle était avec lui, plus rien ne comptait, seul ses mots, seul sa présence était importante. Son navire ne tanguait plus, la menace d'une tempête s'effaçait, lui laissant un répit, un moment de respiration.
Cette histoire, c'était le début comme la fin de quelques choses. Elle le sentait. Si elle arrivait à la finir, pourrait elle enfin partir en paix ? La mort accepterait-elle enfin de l'emporter ? Ce jour-là, avait-elle voulu survivre à sa maladie, devenant un miracle pour son entourage ? Elle le sentait, la mort était autour d'elle, effaçant les couleurs de sa vie, mais refusant de la prendre dans ses bras. Pourtant, c'était ce qu'elle voulait, partir retrouver ceux qu'elle avait perdus. Mais il était là, il lui apportait un nouveau souffle, de nouvelles couleurs. Seulement, partirait-il quand elle en aurait fini ? L'abandonnerait-il dans cette mer tourbillonnante, tumultueuse ? Lâcherait-il cette bouteille qu'il avait décidée de prendre en main ?
Elle n'y pensait plus, elle l'écoutait. Le regard absorbait par chacun de ses mouvements, de ses soupirs. Elle attendait cette histoire, cette aide si précieuse. Elle ne savait s'il s'agissait de pur fiction ou si un brin de réalité s'était glissé dedans, mais là n'était pas son soucis. Elle voulait juste trouver cette libération promise. Souffler une bonne fois pour toute, mettre un point final avant de se laisser noyer à son tour. L'être humain est si fragile, si sensible, un rien peut le briser, l'effondrer.
Alice frissonne, les paroles sont cruelles, sans douceur ni faux semblant. Elles sont crues et avides de sang. Elle y est habituée, elle sait que ce compte ne sera pas pour les enfants, qu'il n'aura pas une fin heureuse. Depuis le début elle l'avait compris, mais comme à chaque fois elle ne peut s'empêcher de trembler, de sentir la terreur qui s'empare doucement des lieux. C'était presque comme-ci une ombre noire venait les avaler, progressant à chacun des mots prononcés par l'homme. HellishDale était donc la réponse. Il l'invitait à trouver elle-même, à regarder là où elle n'avait pas regardé. Sonder les ombres, trouver le noyaux vivant de cet aquarium.
Il y eut un silence musical, une torture. Il jouait avec elle, battant le rythme de sa douleur. Elle retenait son souffle, se penchant en avant pour être sûr d'entendre, même le plus faible des soupires. Dehors la pluie commençait à tomber, laissant de lourds nuages gris s'amoncelaient dans le ciel. L'air devenait plus lourds, sans doute un orage qui se préparait. Pourtant, elle n'y voyait rien, n'entendait rien, uniquement concentré sur un seul être.
À cet instant précis, elle était devenue sa marionnette, vivant au rythme qui lui imposait, bougeant selon sa volonté. Puis il reprit. Il prit un virage, l'éloignant du point de départ. Elle continua de le regarder, l'oreille attentive, ni rassurée, ni effrayée. Telle un écrivain en proie d'une bonne piste, elle s'accroche, essaye de suivre le cours d'eau qui s'échappe des lèvres du compteur. Soudain tout s'arrête. Il l'envoie ailleurs, quelque part de plus proche, bien plus proche que les ombres. La vie reprend alors son rythme, laissant le vent souffler à nouveau, l'orage éclatant dans le ciel noircit, déchirant l'épaisse protection qu'offrait les nuages. Son cœur se déchire. Il veut qu'elle se trouve, qu'elle arrête de se fuir. Qu'elle fasse face à ce reflet qui l’écœure. Ses mains se crispent, son visage se durcit.
Alice est effrayée par elle-même, par ce qu'elle pourrait découvrit au fond de son corps. Elle tend son bras tremblant vers le verre de vin et l'avale d'une seule traite. Elle a besoin d'embrumer son esprit, d'oublier ce qu'il venait de lui dire pour fuir une nouvelle fois une réalité qu'elle se refuse.

_Comme tu es cruel, tu le sais ça ? Tu m’envoies vers une piste, puis tu m'y éloignes pour m'envoyer vers les plus sombres ténèbres que je puisse connaître. Crois-tu que j'en serais capable, crois-tu que je puisse y survivre ? En prendra-tu la responsabilité ?

Elle ne le regardait pas, la tête baissée, le ton accusateur. Son corps tremblait, l'ombre de ses propres ténèbres plané au-dessus d'elle, menaçant de s'effondrer et de l'emporter dans cet endroit qu'elle avait toujours fuit.

_Reste... Juste pour cette nuit.

Ce fut un murmure, à peine audible, masquer par quelques hoquets. Gardant la tête basse, elle ne voulait pas qu'il voit ce visage déformé par l'épouvante et les larmes. Depuis qu'il était parti elle était devenue faible, effrayée comme une enfant par ce qu'elle refusait de voir, pleurant à chaque cruelle réalité qui s'offrait à elle. Ce n'était qu'une faible coquille vide de vie, mais emplie de lâcheté.
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Bartel Pan

Bartel Pan
Chasseur d'horizons - Ombre sauvage
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Surnoms honteux: Trop pour les citer ; on le dit volage, sauvage, presque fou peut-être. Amusez-vous avec ce matériel.
Ton monde (Guide, Prisonnier ou Architecte):
MessageSujet: Re: Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT   Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT EmptySam 9 Aoû - 5:35

Un geste spasmodique, un aveux dans le verre qui se porte à ses lèvres. Alice boit comme on avale le ciel, sans y penser, d'un levé et d'un tombé de main brusque, d'un orage de doigts crispés sur le verre embrumé par les plis liquides du spiritueux qui tourne. Un orage aux branches de chair, un orage tendineux et carné qui éclot en vrilles caparaçonnées d'ongles. C'est un orage humain, un orage déporté au bout des doigts, qui claque sur la table et s'envole vers le visage d'Alice. Battements d'ailes noires dans le geste violent, aller-retour du bras qui tranche l'air et s'abat sur la nappe, sur le bois, sur le silence entre eux. Et dehors, l'orage aussi gargarise, avec sa foudre dentelée qui déchire les nuages, dévore les ombres, puis les recrache à la seconde percluses de grisaille et percées de pluie. De la pluie qui crible les ténèbres comme des clous sur du cuir, qui fait un bruit mélodique absolument épouvantable- un vacarme anti-symphonique sur la ville déglinguée qui propulse ses angles vers les cieux déchirés. La nuit saigne, s'agite obscène au-dessus d'Hellishdale. Alice reproduit sa danse cataclysmique dans ce geste violent, cet envol de sa main qui se conclut sur une floraison brutale d'ivresse nocturne. Bartel sait que la jeune femme ne tient pas bien l'alcool, qu'elle a la moue chagrine et les yeux larmoyants quand Dame Ivresse vient lui fouetter les veines. Il sait que son cœur est comme une plaie à vif qui baigne dans un sang trop aigre, un bout de viande horriblement brûlant qui flambe de douleur dans un bain d'éthanol. Mais ses mains lourdes et burinées ne peuvent rien faire, celles d'Alice sont bien trop vives, bien trop légères et volatiles. Elles s'envolent, elles narguent la raison en portant la coupe embrumée de vin aux lèvres inconscientes. Le faune pressent comme un reproche, il sent venir l'éclair pointé vers lui, celui qui couve dans l'orage qu'est Alice. Il sait que le vin est une encre dont usera sa tristesse pour écrire quelque chose comme un réquisitoire. Il sait que sa voix enveloppée d'une haline avinée lui décochera un ou deux ou trois reproches.
Il sait qu'elle aura raison de lui en vouloir, dans un élan de lucidité alcoolisée. Impuissant, il attend, résigné. Il a choisis la cause, subit sans broncher les assauts de la tempête.


-Comme tu es cruel, tu le sais ça ? Tu m’envoies vers une piste, puis tu m'y éloignes pour m'envoyer vers les plus sombres ténèbres que je puisse connaître.
Vers une mer en furie. Il la dirigeait vers ses propres démons, vers le terrible monstre qui lui voulait du mal, son plus intime ennemie mortel... Elle même. Les ténèbres intérieures où se prélassait tout ce qu'elle avait laissé, choisis d'abandonner pour vivre une existence horrible et triste. Là, dans l'océan fuligineux de ses désirs secrets, probablement coupables, vers ces désirs de vie et de violence- vers l'assomption du deuil. Loin, au-delà des horizons connus, vers cette île aux merveilles où sommeillait sa passion et toute sa volonté. Combien de mers à franchir avant d'y parvenir ? Bien plus de sept. Des milliers plutôt, des kilomètres de vagues, des hectares d'algues sous-marines, de centaines d'années de cieux défigurés. Tourmente. Bartel le savait, il l'invitait à lancer sa barque au-dessus des abysses, à voguer comme on vole en narguant les ténèbres accrochées au fond des océans. Là où la peur était aussi présente que le vent qui poussait, gonflait les voiles et jetait en ricochets les petites embarcations sur des lames de vingt mètres. Là où aussi, on rencontrait les plus beaux reflets qui dansaient sur l'écume, les plus étranges créatures nageant sous l'eau plissée, les brises salines les plus revigorantes. Là où le monde prenait d'autres couleurs, d'autres odeurs, chantait d'une voix nouvelle...
Mais Alice ne voudrait rien entendre de tout ce qui l'attendait dans ces fameuses ténèbres. Elle refusait de s'en approcher comme d'un monstre purulent, glissant son haleine fétide sur une terre préservée. Elle ne s'avouerait pas que la vie patientait au-delà de cette frange d'obscurité mouvante qui lui masquait un monde neuf. Elle ne s'avouerait pas que la lumière factice dans laquelle elle baignait, cette obscurité sèche où rien de pouvait grandir, n'était qu'une agonie prolongée par ses soins. Manque de courage, manque de vitalité. Elle se laissait ballotter par les vagues, conscience de l'abandon qu'elle avait consentis, attendant son soutient, lui demandant de nager pour deux et de la maintenir à flot. Priant pour que sa main secourable reste serrée dans la sienne, pour que son corps solide l'aide à tenir face aux bourrasques trop violente. Il avait voulu devenir son fanal, mais elle l'avait fait un soleil passager, une aube qui s'en allait sans jamais déboucher sur aucune journée. Et Bartel le savait, toute ses condamnations n'auraient été que justes. Il s'était risqué seuls vers le bouillon de noirceur qui couvait en Alice. C'était son choix que d'avoir approché le vide anthropophage qui habitait la brune, qui la rongeait, épousait les formes de son corps et s'habillait de sa maigre carcasse claquée par la faim, la maladie et la solitude. Son choix, son erreur peut-être. Il n'en savait plus rien et se refusait à appliquer une sentence trop ferme.
Alice avait besoin de lui. Tout son corps en était douloureusement conscient, les nerfs pétris par l'Empathie, les muscles malaxés par les signaux pressants que lui envoyait la jeune femme en détresse. Elle l'appelait toute entière, lui hurlait sa douleur, le marquait de son blâme. Elle l'avait dit cruel, il se savait atroce. Horrible faune aux lèvres inconséquentes, aux offres généreuses renouvelées pour mieux laisser planer l'absence. Rester, s'enchaîner, être un homme fiable des sabots jusqu'aux cornes... Il ne voulait pas de ce costume là. Il voulait courir nu et s'habiller de vent, boire l'air frai des forêts et se nourrir des astres. Consommer la brûlure du soleil au travers de ses sens éprouvés, s'imprégner des remugles d'une terre fécondée par le printemps aux abondants présents. Être sale, être libre. Être immoral et beau, être grand et mesquin. Rêvant de l'infinis en se frottant au finis des montagnes, en s'écorchant aux arbres, aux ronces, aux pierres. Se parfumer dans les ruches éclatées, peindre son corps aux couleurs de la terre. Être un tableau vivant, un paysage mouvant, falaise roulant sur des jambes fermes, tonnerre grondant dans une gorge vêtue de barbe.
Vivre satyre, n'être homme qu'en vacances.
Elle ne le laisserait pas faire.

Crois-tu que j'en serais capable, crois-tu que je puisse y survivre ? En prendras-tu la responsabilité ?
Chaque mot, un maillon. Sa bouche était une forge, brûlante et accusatrice, infernal bastion d'obligation morale. S'en déroulait une chaîne ardente qui lui crevait les yeux, comprimait son cœur et chassait le vent, la fraîcheur des forêts, le parfum des poussières mélangées à la route. Il aurait voulu la tuer pour la faire taire, lui déchirer la gorge pour qu'elle ravale ces mots, arracher cette langue sournoise et s'en nourrir pour en goûter le fiel. Étouffer les sentiments qui s'échappaient à tire d'aile de son corps en lui brisant les côtes, faire cesser le bouillonnement rageur qui lui tenait lieu d'être, elle qui se pensait vide, elle qui se savait lâche de faire appel à lui- mais surtout trop en droit de réclamer son aide.
Une partie de lui voulait l'abandonner, la laisser à cette table et s'enfuir dans la nuit. Fendre les eaux tombées du ciel et devenir un monstre des abysses, rejoindre les ombres familières d'Hellishdale pour s'en faire une demeure. Là-bas, il faisait partie de ces requins qui hantaient les bas-fonds, le squame entrelacé d'ombres froides et secrètes, invisible présence effrayant parfois quelques menus fretins égarés dans la nuit. Une partie de lui voulait gifler ses espérances et éteindre le feu rallumé par ses soins, abandonner le port pour l'océan funeste, oui, une partie de lui ne rêvait que d'aventures, que de grandes routes, des vastes étendues qu'il venait à peine de quitter pour ses beaux yeux luisants. Une partie de lui qui composait les trois quarts de son être secoué de sauvagerie, trois quarts frétillants de nerfs en pelotes qui bouillonnaient au bord d'un précipice d'égoïsme brutal. Trois quarts de pure panique qui lui sommaient de fuir, de dynamiter le phare et de le laisser tomber sur le bateau à la dérive que conduisait Alice.
Trois quarts d'obscurité, trois quarts de bestialité qui ne tremblaient d'aucun remord face à la tête baissée de la jeune femme, face à sa voix tenue, face à ses mains crispées aux phalanges délavées, face aux trémulations de son corps rongé d'angoisse. Trois quarts de glorieuse sauvagerie qui ne demandaient qu'à rire au nez de cette fébrilité, trois quarts de passion faunesque qui voulaient déchirer les remords et les précipiter dans un abîme de luxure pour faire oublier au petit quart restant, gémissant, raisonnable, à quel point il était coupable d'avoir oser donner espoir à ce pauvre animal qui tremblait devant lui.
Et ces trois formidables quarts, ces trois titanesques quarts désorganisés et hurlants, compacte jungle d'un dénie fiévreux, échouèrent face au langage et à ses fourberies.

Reste... Juste pour cette nuit.

Trois quarts se dénouèrent, s'oublièrent dans le noir. Une étincelle vainquit, qui l'embrasa d'un nouveau feu.
Il se leva, et peut-être la naufragée de la vie crut-elle un instant le voir partir et s'éloigner ; elle n'aurait eu que trop raison d'avoir peur, de craindre son départ. Pourtant, ses pas les menèrent aux côtés de la jeune femme et de son corps ployé, de son cou plombé, de sa face tournée vers la table atone, qui ne répondrait pas à ses yeux larmoyants ni à ses lèvres tremblotantes qui scellaient un océan de bile. Pourtant, son bras se tendit vers elle, et sa main rude lui souleva le menton, éraflant peut-être cette peau saisie de chair de poule, comme la caresse poreuse d'une pierre ponce. Pourtant, ses doigts glissèrent le long de la joue lisse, et sa paume inclina le visage ravagé de pâleur vers le sien dévasté par une barbe en friche. Pourtant, il lui fit face, nullement enfuis. Pourtant, il lui sourit, d'une grimace chaleureuse et puissamment troublante.
Satyre une fois encore, dans cette tendresse ambiguë... Séduisant cette fois-ci la douleur qui lui mordait les nerfs, tordant son Empathie qui le lui rendait bien. Il ne l'immolerait pas dans la violence et dans la fuite.
Il se pencha vers elle, et soupira doucement.


-Comme tu es cruelle, tu le sais n'est-ce pas ?
Retour de phrase, offrande rendue. Ce n'était pas une accusation, quand bien même il le pensait vraiment. Rien que des mots renvoyés comme dans un jeu de miroir, une lettre à la poste de ses lèvres pour la boîte vide du cœur d'Alice.
J'ai diablement envie de fuir. J'ai diablement envie de te faire taire ; pas seulement tes lèvres impudiques -et c'est moi, un satyre, qui les nomme impudiques, t'images-tu un peu ?- non, pas seulement tes lèvres, mais tout ce corps qui m'écrit un grand réquisitoire...
D'une voix grave, ente le cri et le murmure, entre la berceuse et l'appel hors du lit. Une chanson violente pour des vérités énoncées sans préambules et sans détours, comme toujours. Franchise angoissante des satyres.
J'ai diablement envie de partir, oui. Je sais que tu n'es pas dupe. Mais je vais te surprendre, une fois encore : pour une nuit, je te reste.
Sa main glisse le long du cou d'albâtre, se pose sur une épaule tendue, comme un animal brûlant de vie découvrant un perchoir. Et son jumeau vient chercher l'autre épaule, s'en empare doucement. Ce sont des gestes connus du Satyre, des gestes qu'il n'a pas réservé à Alice. Pourtant, ceux-là ne sont que pour elle. Il ne pense pas aux autres femmes qu'il a fait tourner de cette manière, comme de grandes poteries entre ses mains familières des jeux de la chair et du souffle. Il ne pense pas à celles et ceux qui, après avoir été touchés par ces mêmes mains caressantes, intrusives mais agréables, ont finit dans son lit- ou dans le leur, mais soudain nid d'un faune. Il n'y pense pas, car Alice n'est pas une conquête à faire, quand bien même les apparences semblent indiquer le contraire. Alice est une cause qu'il ne veut pas perdue, Alice est un âtre qu'il veut rallumer. Alice est un bateau qu'il amarre à son corps.
Alice est une amie.

Cette nuit au moins, pour toi. Mais je ne serai pas toujours là, je ne peux pas être ta solution. Je peux te guider, Alice, mais pas te faire sortir du néant dans lequel tu es plongée. Seulement t'indiquer le chemin.
Ses lèvres se mirent à sourire comme une floraison jaillit d'entre les ronces. Il approcha son visage de celui de la jeune femme, souffla sur ses joues, piquant sa peau d'une écume de poils rêches échappés au cuir encore souple qui lui couvrait les os. Et sa tête fauve se posa dans son cou, piquante mais légère. Ses bras la soulevèrent de sa chaise, et il la serra contre son corps massif- pas aussi imposant que l'imaginait certaines sirènes aux iris d'aube chantante, mais assez large et haut pour cacher au monde les malheurs de cette triste gueule aux yeux de suie. Il lui souffla quelque chose, un mot rassurant pour calmer son cœur hystérique. Ses mains effectuèrent quelques glissements subtiles, sans jamais s'égarer sur la courbe d'un rein ; sans jamais muer ce geste tendre en une étreinte préliminaire. Sentir le corps plat d'Alice contre le sien n'éveillait pas son désir. La savoir chaude contre lui ne lui donnait pas l'envie de la déshabiller.
Elle ne serait jamais son amante. Rien qu'une femme à rassurer, une responsabilité qu'il assumerait parfois, quand il ne pourrait plus y échapper sans être assuré de la retrouver en vie.
Debout, elle n'avait plus le visage qu'au niveau de sa poitrine voilée de frusques et d'un manteau puant. Les autres clients s'étranglaient d'une indignation et d'une surprise soutenue, aigres vapeurs à l'Empathie toujours attentive. Bartel s'en souciait comme d'une guigne. Il éloigna Alice et l'observa se rasseoir, avant de regagner lui même sa place.
La table qui les séparait avait perdu de sa tangibilité.

Commence le voyage. Dés ce soir. Raconte toi, et va donc mettre la main sur toi même. Ne t'inquiète pas : je suis là.
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Hisroire océanique [PV Alice] - CLÔT

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